Nos amis les enfants


Les enfants ne sont pas des boulets. Ca paraît bête à dire, mais quand j’entends de jeunes parents parler, j’ai parfois l’impression que c’est la définition qu’ils donnent de leurs enfants. Ils estiment par exemple que quand on part en terre inconnue en leur compagnie, les nourrir peut rapidement devenir un problème. Ils en sont certains et s’interdisent de fait de visiter de nombreux coins. Selon moi, toutefois, nourrir ses gosses en voyage est relativement simple. Et avec un peu d’expérience, on ne fait même plus vraiment attention : c’est comme inscrit dans notre ADN. La semaine dernière encore, mon épouse et moi avons accompli avec nos petits un voyage de groupe à Lille, et les repas n’ont posé aucune difficulté majeure. Bien évidemment, lorsque nous étions de jeunes parents sans expérience, nous étions inquiets de partir sans savoir s’ils allaient pouvoir manger à l’autre bout du monde. Mais nous avons réalisé que nous nous inquiétions pour rien, en définitive. Pour peu que l’on fasse preuve de bon sens, ce n’est pas plus compliqué qu’à la maison. Aujourd’hui, partout dans le monde ou presque, on trouve la même nourriture de base : pommes de terre, légumes, etc. Cette base permet de s’en sortir où que l’on aille. Quant au reste, il suffit de faire un peu attention. Les enfants sont par exemple plus sujets à la déshydratation que leurs parents, et ils doivent donc se désaltérer sans cesse. C’est sûrement la chose la plus importante à surveiller. En fait, vous vous devez de toujours disposer d’une bouteille à vos côtés qui leur est réservée. Mais c’est à peu tout, en fait. A vrai dire, maintenant que j’y pense, je trouve bien plus dur de faire manger mes enfants à domicile qu’à l’autre bout du monde ! C’est en effet à domicile qu’ils ont leurs petites exigences et sont le plus disposés à faire les difficiles. En tout cas, j’ai bien apprécié de découvrir Lile. Voilà l’agence par laquelle nous sommes passés pour notre voyage de groupe, si vous souhaitez vous y rendre… avec vos enfants, bien sûr.



Migrants et pauvreté


Ce n’est pas parce qu’il y a plus d’étrangers qu’il y a plus d’étrangers pauvres ; c’est plutôt que les étrangers sont plus exposés à la pauvreté. Comment interpréter ce lien entre migration et pauvreté ? Qu’est-ce que cette population croissante d’étrangers pauvres nous apprend de l’évolution des fl ux migratoires, des politiques migratoires – et de la société française dans son ensemble ? Si l’on excepte les ressortissants de l’Union européenne, dont le statut juridique et les droits sont assez proches de ceux des citoyens français, les migrants font face à un certain nombre d’obstacles et de diffi cultés qui rendent leur situation souvent fragile. Au quotidien, la maîtrise imparfaite de la langue, la méconnaissance du fonctionnement de la société française, le déracinement et l’absence de réseaux, le racisme et les discriminations, sont autant de facteurs qui pénalisent les étrangers. À cela s’ajoutent deux autres facteurs prépondérants : l’accès aux droits et la situation sur le marché du travail. Contrairement à nombre d’idées reçues, les migrants ont – pour reprendre l’expression d’Hannah Arendt – « le droit d’avoir des droits ». Même les sans-papiers jouissent des droits fondamentaux, qui peuvent jouer un rôle central dans la prévention de la pauvreté : c’est par exemple le cas de la protection sur le lieu de travail ou de l’accès aux soins médicaux d’urgence. Mais la mise en œuvre eff ective de ces droits dépend de l’État, qui leur a refusé le droit d’être sur son territoire. On comprend donc qu’il puisse être diffi cile pour les étrangers en situation irrégulière d’être protégés : non seulement est grande la crainte de réclamer des droits (et donc de s’exposer à la lumière quand ils préfèrent vivre dans l’ombre), mais encore faut-il que les institutions chargées de leur situation fassent preuve de bonne volonté. Le présent rapport donne hélas de nombreux exemples du contraire : dispositifs d’accueil sous-dimensionnés, absence de soutien aux associations qui aident les migrants, élaboration de conditions toujours plus draconiennes, etc. Le problème est ainsi autant juridique que politique. Les États s’emploient à réduire l’accès des migrants aux droits : c’est en partie la conséquence d’une réduction plus générale du périmètre de l’État providence dans un contexte de réformes d’inspiration néolibérale, mais c’est aussi une stratégie de politique migratoire. Le raisonnement sous-jacent est que les étrangers souhaitent « abuser » de la solidarité nationale et que, si on réduit cette solidarité, on réduit aussi les raisons qui attirent les migrants en France. Dans cette perspective, la pauvreté des migrants serait le résultat des mauvais choix opérés par ces derniers ; elle prouve qu’ils ont eu tort de quitter leur pays, que leur décision de migrer n’a pas amélioré leur sort, et qu’il est donc logique qu’ils rentrent chez eux et que l’on dissuade d’autres candidats au départ de venir à leur tour. Pour lutter contre la pauvreté des migrants, il faudrait donc avant tout lutter contre les migrants. Ce raisonnement est fondamentalement vicié, car la pauvreté des migrants trouve ses causes non dans la migration elle-même, mais dans le fonctionnement de la société d’accueil, et en particulier de son marché du travail. Si les migrants viennent en France, c’est certes parce qu’ils le décident, mais aussi parce que des secteurs de l’économie française (construction, services à la personne, restauration…) reposent sur leur travail sous-payé, sous-protégé et non déclaré. Ces secteurs ne peuvent pas être délocalisés, mais sont exposés à une forte concurrence et requièrent une main-d’œuvre fl exible, peu attractive pour les travailleurs européens (même au chômage). L’essor de la sous-traitance, ainsi que l’absence quasi complète de contrôle par les inspecteurs du travail rendent possible la généralisation de conditions d’emploi qui favorisent la pauvreté. Il est donc vain de penser se débarrasser de la pauvreté en se débarrassant des migrants. C’est au cœur des sociétés d’accueil, en repensant les mécanismes d’aide et de solidarité, que l’on trouvera les solutions pour lutter effi cacement contre la pauvreté des étrangers.